Transition culturelle de la préhistoire africaine vers Sumer et l'Égypte, ou la grande voie migratoire

L’approche répandue consistant à étayer toute affirmation par des annonces du type « La Royal Society britannique découvre que les sous-vêtements mouillés sont le signe du génie » n’est pas la nôtre. Lorsque certains points doivent être exposés, notre lecteur attentif devra faire preuve de patience et être prêt à examiner les arguments qui accompagnent les déclarations présentées dans cet article.

Pour être juste, l’anthropologie moderne admet généralement l’hypothèse d’un itinéraire migratoire humain depuis le continent africain. Plutôt que de s’appuyer sur des formules telles que « Une société découvre », cette hypothèse repose non seulement sur des déclarations, mais aussi sur de nombreuses preuves archéologiques (voir le lien ci-dessous : « Grande voie migratoire… voir plus »).

Dans ce chapitre, nous examinerons l’évolution des systèmes de mesure. Il est donc logique de parcourir la région méditerranéenne, puis de revenir en Afrique avec la civilisation égyptienne, avant de poursuivre vers le royaume hébraïque.

Entre le Tigre et l’Euphrate, ou le berceau des civilisations

Ce chapitre est consacré au royaume sumérien. Nous y présentons brièvement les principales caractéristiques sociales et culturelles de cette civilisation, tandis qu’une analyse plus détaillée nous attend dans la section consacrée aux outils métrologiques de cette culture découverts à ce jour.

À propos de Sumer, ou ce que nous savons aujourd’hui...

La période généralement retenue par les chercheurs pour décrire la civilisation sumérienne, en tant que phénomène socio-culturel et historique, s’étend approximativement de 4500 à 1900 av. J.-C. En résumé, le territoire placé sous leur souveraineté correspond principalement au sud de la Mésopotamie (sud de l’Irak actuel), entre les fleuves Tigre et Euphrate. Dans la plupart des cas, les Sumériens sont considérés comme la première civilisation urbaine du monde, à qui l’on attribue les premiers développements de l’écriture (cunéiforme), des codes de lois, de l’irrigation et des cités-États organisées.

En termes simples, l’économie sumérienne reposait sur les surplus agricoles rendus possibles par l’irrigation, sur des réseaux commerciaux avec l’Anatolie, le golfe Persique et le Levant, ainsi que sur la spécialisation artisanale, incluant la métallurgie, la poterie et le tissage.

Tournons-nous maintenant vers la structure sociale. On peut raisonnablement se demander pourquoi nous incluons de telles informations supplémentaires, surtout lorsqu’un lecteur pourrait consulter cet article uniquement pour en savoir plus sur les unités de mesure utilisées par cette culture. En notre défense, il convient de souligner que sans compréhension du contexte culturel, tout artefact isolé est difficilement interprétable. Chaque artefact constitue une manifestation à partir de laquelle nous dérivons du sens, nous permettant ainsi de l’interpréter (dans le cadre de cet article) comme une unité de mesure.

Vous trouverez ci-dessous un tableau des artefacts archéologiques sumériens les plus importants, comprenant leur type, leur usage et leurs dates approximatives. Ce tableau est factuel et concis, adapté à la recherche scientifique.

Artefacts archéologiques sumériens
Artefact / Objet Type Fonction / Usage Site de fouille Date approx. (av. J.-C.) Remarques / Importance
Tablettes comptables en argile Administratif Enregistrement des rations, impôts, échanges Ur, Lagash, Girsu 2100–2000 Documentent les activités économiques ; essentielles pour les études métrologiques
Tablettes mathématiques Éducatif / Administratif Arithmétique, géométrie, métrologie Ur, Nippur, Uruk 2000–1800 Montrent l’usage du système sexagésimal ; mesures de longueur, surface, volume
Pierres / poids d’équilibre Poids normalisés Commerce, taxation Ur, Kish, Lagash 2500–2000 Base du sicle, de la mine, du talent ; standardisation du commerce
Coudées / baguettes de mesure Mesure de longueur Arpentage, construction Ur, Nippur 2500–2000 Standardisation du nindan, du šu, du kush
Sceaux-cylindres Administratif / Authentification Contrats commerciaux, documents légaux Ur, Uruk 3000–2000 Garantissaient l’authenticité des transactions ; utilisés pour la tenue des registres
Ziggourats Religieux / Administratif Temples, centres économiques Ur (Ziggourat d’Ur), Uruk, Lagash 2100–2000 Les temples servaient de centres religieux et économiques
Bols / récipients de rationnement Mesure de volume Rations de céréales, bière, huile Lagash, Girsu 2100–2000 Unités : sila, ban, gur ; preuves de métrologie économique
Inscriptions d’arpentage Pierre / Argile Délimitation, mesure de champs Lagash, Girsu 2500–2000 Longueurs standard (nindan, šu) utilisées dans la répartition des terres
Tablettes astronomiques / calendaires Observation Mesure du temps, irrigation, fêtes Nippur, Ur 2000–1800 Premières observations astronomiques ; planification pratique des ressources
Inscriptions royales / stèles Politique / Religieux Lois, actions, réalisations Ur, Uruk, Lagash 2600–2000 Relatent les activités des rois ; contiennent parfois des mesures standardisées

Aperçu de la structure sociale et économique sumérienne...

Chaque cité était un centre urbain autonome, généralement organisé autour d’une ziggourat, un immense complexe de temples dominant la ville. La ziggourat constituait non seulement le centre religieux, mais aussi le cœur administratif, où s’organisaient les activités économiques telles que le stockage, la répartition et la collecte des taxes. Autour du temple se trouvaient les palais des dirigeants, les demeures des élites, les marchés, les ateliers d’artisans et les quartiers résidentiels des citoyens ordinaires. Des canaux et réseaux d’irrigation reliaient la cité à ses terres agricoles environnantes.

Le roi exerçait l’autorité politique, religieuse et militaire. Il supervisait la défense de la ville, contrôlait la distribution des ressources et dirigeait les travaux publics tels que les canaux, les murailles et les temples. Les rois veillaient également à la standardisation des mesures, garantissant l’uniformité des unités de longueur, de volume et de poids à travers la cité et ses territoires. Parmi les rois célèbres figurent Gilgamesh d’Uruk, connu pour ses constructions monumentales et ses murailles, et Ur-Nammu d’Ur, célèbre pour avoir codifié la loi et ordonné la construction de ziggourats.

Le commerce dans les cités sumériennes était hautement organisé. Le commerce local et à longue distance concernait des biens tels que les céréales, l’huile, la bière, les textiles et les métaux. Les marchands utilisaient des poids et mesures standardisés pour assurer l’équité des échanges, tandis que les temples et palais géraient la taxation et la distribution des ressources. Les impôts pouvaient être payés en céréales, bétail, travail ou métaux précieux, et étaient soigneusement consignés sur des tablettes d’argile.

Les « scientifiques » sumériens étaient des spécialistes rattachés aux temples, appliquant leurs connaissances pratiques à l’administration, au commerce et à la construction. Nous pouvons subdiviser leur rôle en plusieurs catégories :

Scribes : tenaient les registres cunéiformes du commerce, des impôts, des terres et du travail. Ils étaient essentiels à l’application des mesures standardisées de longueur, de volume et de poids.

Mathématiciens : créaient des tables arithmétiques, des tables de multiplication et des calculs géométriques, soutenant la construction, la mesure des terres et la gestion économique.

Arpenteurs : mesuraient les champs, les canaux et les chantiers à l’aide de baguettes et d’unités standardisées (nindan, šu, kush). Leur travail garantissait une taxation équitable et des constructions précises.

Astronomes / Spécialistes du calendrier : observaient les corps célestes afin d’établir des calendriers lunaires déterminant les périodes d’irrigation et les fêtes religieuses.

Spécialistes du poids et du volume : standardisaient des unités telles que le sicle (à noter, une parenté linguistique avec la monnaie moderne d’Israël ?), la mine, le talent (poids) ainsi que le sila, le ban et le gur (volume), assurant l’uniformité du commerce et de la fiscalité.

Mais qu’en est-il des unités de mesure sumériennes ?

Tableau récapitulatif de la civilisation sumérienne
Catégorie Unité / Élément Approx. métrique Subdivisions Usage / Fonction Preuve / Artéfact Source / Référence
Longueur Ammatu (Coudée) ~49,5 cm 1 nindan = 12 ammatu Construction, urbanisme, aménagement de canaux Bâtons de mesure, plans architecturaux, briques Kramer 1981; Postgate 1992
Nindan (Perche) ~5,94 m (≈ 12 coudées) 1 nindan = 12 ammatu = 72 šu = 360 kush Arpentage, constructions à grande échelle Tiges standard en alliage de cuivre (Nippur), bornes Civil 2000; Postgate 1992
Šu (Pied) ~29,7 cm 6 šu = 1 ammatu Petite construction, artisanat Briques, vestiges architecturaux Civil 2000; Jacobsen 1960
Kush (Doigt) ~1,65 cm 30 kush = 1 ammatu Mesures fines pour l’artisanat et l’arpentage Bâtons d’argile marqués Kramer 1981; Civil 2000
Beru (Double perche) ~11,9 m (≈ 2 nindan) 2 nindan Mesures longues (routes, canaux) Tablettes d’arpentage, bornes Postgate 1992; Civil 2000
Volume Sila ~1 litre Unité de base Grain, bière, huile, rations Vases en argile, tablettes de rationnement Kramer 1981; Civil 2000
Ban / Ban-gur ~10 sila 10 sila = 1 ban Rations journalières, petites mesures de grain Tablettes économiques, registres administratifs Postgate 1992; Civil 2000
Gur ~300 litres 1 gur = 300 sila Stockage des temples, impôts, vrac de grain Tablettes d’Ur, Girsu, Uruk Kramer 1981; Jacobsen 1960
Cube de nindan Dérivé des unités de longueur Calcul de volume, construction Modèles en argile, jarres de stockage Civil 2000
Poids Shekel ~8,33 g Unité de base Pesée de l’argent, commerce, impôts Poids en pierre, balances Kramer 1981; Civil 2000
Mina ~500 g 60 shekels = 1 mina Commerce, fiscalité Poids, pierres d’équilibrage Postgate 1992
Talent ~30 kg 60 minas = 1 talent Commerce à grande échelle, métaux, offrandes Poids en pierre, tablettes Civil 2000; Jacobsen 1960
Mathématiques / Calculs Arithmétique Addition, soustraction, multiplication, division Tablettes d’argile, textes comptables Robson 2008; Kramer 1981
Géométrie Arpentage, construction de canaux, plans de temples Tablettes de mesure, plans architecturaux Postgate 1992; Civil 2000
Problèmes / Algèbre Distribution du travail, rations, contrats Tablettes d’Ur III, tablettes d’exercices Robson 2008
Système sexagésimal Base-60 Astronomie, mesure du temps, fractions, comptabilité Tablettes numériques, archives astronomiques Friberg 2005; Civil 2000
Astronomie / Calendrier Calendriers lunaires, irrigation, fêtes Tablettes d’observation Kramer 1981; Postgate 1992

Unités de mesure (Incroyable, à grande échelle, revenons à la longueur ?)

Avant tout, il convient de formuler ici une remarque concernant le symbolisme et la nature abstraite des unités de mesure en tant que phénomènes socio-culturels. Comme toute autre forme d’accord social, la standardisation — quelle que soit la forme d’unification qu’elle représente — est une caractéristique exclusive de la culture qui en détient les normes. L’évolution ultérieure de la communication intersociale peut conduire à une homogénéité (ou à une homogénéité perçue) ainsi qu’à la migration et à l’héritage des unités de mesure d’une culture à une autre...

Unités de longueur, de volume et de poids

Les Sumériens ont développé un système de mesure à des fins pratiques telles que la construction, la répartition des terres et le commerce. Les preuves archéologiques proviennent de tablettes cunéiformes enregistrant des transactions, des travaux de construction et des relevés.

Concernant la longueur, les principales unités issues de sources déchiffrées sont : Coudée (nindan / šu-si) ≈ 49,5 cm, Pied (šu) ≈ 30 cm, Kush (doigt) ≈ 1/30 de nindan (comme mentionné précédemment).

Quant aux unités de volume, elles sont : Sila (unité du litre) ≈ 1 litre, Gur = 300 sila (utilisé pour le grain, la bière et l’huile).

Les unités de poids sont représentées par : Shekel ≈ 8,33 g, Mina = 60 shekels ≈ 500 g, Talent = 60 minas ≈ 30 kg.

Nous supposerons que toute discussion approfondie sur le contexte des phénomènes liés à l’expression socio-culturelle — tels de petits ruisseaux se jetant dans le lac des outils intra-sociétaux de communication personnelle et d’interaction — n’a pas lieu d’être ici. Cependant, puisque les unités de mesure appartiennent précisément à ce domaine des normes et des règles, une brève considération reste justifiée.

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Une publication explicative présentant les bases de la méthodologie de mesure et la représentation des unités de mesure.

Un aperçu archéologique de la culture de Nabta Playa dans le contexte de l’article (unités de mesure à travers les cultures).

Un aperçu de la culture et de la structure sociale de l’Égypte ancienne, avec un accent sur ses systèmes de mesure.

Une étude complète du contexte socioculturel de la Grèce antique et de la façon dont ses systèmes de mesure en sont issus.

Ce chapitre présente le contexte culturel de la Rome antique, qui servit de fondement au développement de son système de mesure.

L’État préhistorique d’Israël et sa structure fondée sur la culture, à laquelle se rattachent les mesures et leur normalisation.

Ce chapitre est consacré à deux cultures, Babylone et la Perse, et nous découvrons ici pourquoi...

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La civilisation de l’Indus (ou harappéenne), présentée à notre honorable lecteur ci-dessus, n’est qu’un des nombreux phénomènes socio-culturels fondés sur les proto-cultures régionales. Dans cette section, nous en découvrirons plusieurs autres.

Dans cette section, nous tenterons de réunir tous nos affluents en un seul fleuve de conclusions — des cultures préhistoriques jusqu’aux royaumes organisés — et d’évaluer si nos hypothèses, basées sur des méthodes analytiques incomplètes voire spéculatives, se sont révélées justes.

Ce chapitre guide le lecteur à travers la région aujourd’hui connue sous le nom de Chine. Notre principal intérêt réside bien sûr dans l’exploration de ses systèmes de mesure — mais pourquoi ne pas en profiter pour en découvrir davantage ?

⛩️ L’empire Qin (dynastie Qin, 221–206 av. J.-C.) et ⛩️ L’empire Han (Han occidental, 206 av. J.-C.–9 ap. J.-C.; Han oriental, 25–220 ap. J.-C.) : une brève introduction.

Dans cette section, nous présentons à nos lecteurs l’arrière-plan de la dynastie Shang — son organisation politique, ses pratiques métrologiques, et d’autres aspects fascinants de cette première civilisation chinoise.